mercredi 31 août 2022

Mon terrible syndrome a encore frappé, et ça fait mal…


Lors de sa rencontre avec Sylvain, 15 ans plus tard, Léo disait à ce dernier qu’être pilote de course, comme il l’était, cela voulait tout et rien dire. 


J’ai envie de croire que c’est un peu pareil en tant qu’écrivain·e. Il y a les grands noms du domaine qui sont définis par ce statut avant tout, et il y a une grande majorité de gens pour lesquels ce n’est qu’un hobby, ou en tout cas pas leur source de revenue principale. Bien évidemment je suis plutôt dans la seconde catégorie, mais j’ai envie de croire que mon histoire est assez singulière. Non pas que je sois le seul ainsi, et c’est tout l’objectif de ce billet : trouver mes semblables. 


Car dans cette seconde catégorie, je fais partie d’un sous groupe peu enviable des écrivain·e·s raté·e·s, et même celleux de la pire espèce, les «jaloux·ses». Pour justifier cette dépréciation à mon égard il va me falloir être plus précis encore. 


L’écriture a commencé pour moi comme une activité libératrice, un passe-temps à la fois défoulant, merveilleux, magique. Et puis, au fil des années, cela s’est peu à peu transformé en cauchemar. 


L’univers que j’ai crée est d’une beauté et d’une richesse trop importante pour que je le garde que pour moi. Pourtant, rien ne m’a préparé à assurer la responsabilité de sa diffusion. Je ne suis en rien quelqu’un de débrouillard, mais le fait d’avoir fait des études supérieures («supérieures» dans le sens après le bac, je n’ai pas fait polytechnique ou l’ENA non plus) m’aide à compenser ce désavantage. Mais rien ne peut combler le fait que je ne suis pas du tout, mais alors pas du tout un «littéraire». Je peine énormément à lire régulièrement, et même par extension à m’intéresser à toutes formes d’œuvres de fiction. Et malgré cela je dois moi-même en produire une. 


C’est un problème en soi, mais ce n’est pas ce qui me motive à vous écrire ce soir. Cette responsabilité m’entraine depuis pas mal de temps dans un cercle vicieux dont je prends enfin conscience de l’ampleur. Ayant désormais ce «statut» de personne qui écrit (on est d’accord, à ce stade, écrivain ça fait trop pompeux), je peux me comparer (et comparer mon ébauche d’œuvre) aux auteurices accompli·e·s (et à ce qui existe). Et bien évidemment la comparaison n’est pas flatteuse. Mais là n’est pas le problème, puisque dans 99,999% du temps, j’en suis plutôt fort content puisque le contraire signifierais que je n’aurais pas beaucoup d’œuvres à apprécier, ou tout simplement «consommer». 


Le vrai problème, c’est ce 1/10000ème de pour-cent. Il est très spécifique, mais aussi très cruel. Mais quelque part un peu logique ? Lorsqu’il s’agit d’auteurices ordinaires, qui «comme moi» écrivent par hobby, souvent sans ambitions, mais qui peuvent dans certains cas être publié·e·s, cela me ramène systématiquement au fait que comme elleux, j’ai commencé à écrire un jour, au milieu d’une vie pas du tout dédiée à l’écriture, avec d’autres projets, d’autres priorités, et par forcément depuis un milieu littéraire. Comme elleux, je continue d’écrire, mais que contrairement à elleux, je suis loin, très loin d’être publié, et de plus en plus je me pose la question de si je serais publié un jour. 


Et vous l’aurez compris, cela concerne des personnes qui me sont proches, ce qui m’est d’autant plus cruel : je ne peux pleinement me réjouir de leur succès car cela me ramène à mon échec (que j’espère encore temporaire).  J’aurais aimé être cette personne qui les soutient, qui est leur plus grand fan, mais non seulement j’ai tellement de mal à lire que je ne peux pas les lire, et puis si je pouvais, cela me ramènerait à mes sentiments d’auteur raté et jaloux.


Hier, ce sentiment est passé à un tout autre stade : il a porté sur une œuvre cinématographique grand public. Si j’en ai eu des prémices précédemment sur  des œuvres autres qu’écrites, ce qui m’a un peu étonné sur le moment, il n’a jamais été aussi fort que lors de cet avant-première du Visiteur du Futur, de François Descraques. Une explication toute trouvée et que ce film est l’incarnation même de la Success Story. Une web-série tournée dans une chambre étudiante au film qui abouti à film dont une des nombreuses avant-premières fait salle comble au Grand Rex. Jamais avant cette soirée je n’aurais imaginé souhaiter la même chose pour moi, j’aurais juste aimé que mon œuvre soit lu et appréciée des personnes qui ont pu la lire, même si elles ne connaissent rien de moi. Et je dois me l’avouer, hier, quand j’ai vu cette foule immense, j’aurais vraiment aimée qu’elle soit là pour ma saga plutôt que pour l’œuvre de quelqu’un d’autre.


Je suis malade. J’ai besoin d’aide. C’est à un point que je ne saurais dire si j’ai apprécié le film que je suis venu voir. Bon c’était surtout l’évènement en lui-même qui comptait, être avec ses amies, et d’autres fans de la saga, «rencontrer» l’équipe du film…mais c’est sûr que ce point noir m’a gâché la soirée. Pour dire deux mots sur le film ? Plein de bonne idées, une histoire qui se laisse apprécier même sans connaître l’univers de la série, des clins d’œil très (trop ?) appuyés pour les fans, une œuvre qui a bénéficier d’un bon budget ce qui permet pas mal de choses (mais qui enlève une certaine magie de la web-série initiale comme la saison 4 est une parfaite illustration à mes yeux), un recours à des stars…pas toujours judicieux ? Mais le plus important est là : une œuvre qui joue à fond la carte du fan-service (est l’auteur raté jaloux qui parle en insistant sur ce point ?) !


 Si je me voyais vivre avec ce problème «après tout sans importance» jusqu’à hier, le fait qu’il m’aie gâché ma soirée d’avant-première de ma web-série préféré a été un avertissement : je ne peux plus continuer comme ça. Il est temps de trouver des solutions. Et non, cela ne peut pas consister en finir d’écrire ma saga et d’arriver à un succès similaire. Alors oui ça peut être une solution, mais c’en est une bien mauvaise. Je dois apprendre à ne plus me comparer systématiquement aux autres et savoir me réjouir pour leur succès. Mais comment faire ? J’ai voulu faire des recherches sur le sujet, mais comme souvent sur des sujets aussi importants mais inhabituels, impossible de trouver les bons mots clés pour mon moteur de recherche. Alors si vous vous reconnaissez ne serait-ce qu’un chouïa dans ce témoignage, ou plus probable, si vous connaissez d’autres personnes dans cette situation, faites-le moi savoir, j’aimerais pouvoir échanger avec vous ou avec elleux.