mercredi 2 septembre 2015

Le poids de l’hétéronormativité (introduction).

Un long parcours

Depuis très jeune, j’ai senti que j’avais quelque chose de différent par rapport à mes camarades de classes, mais il me faudra attendre la fin de mes études pour mettre un mot dessus. Ce que j’avais de différent, c’était si inhabituel que j’en étais arrivé à croire que j’étais seul à être ainsi, que c’était un caprice de ma part…

Straight ? Pas tout à fait

Car pourtant, j’avais bien des points communs avec mes amis : je pouvais trouver les filles jolies et même en tomber amoureux ! Mais ça s’arrêtait à peu près là. Plus on grandissait, plus il y avait de différences dans ma manière d’apprécier les jolies filles. 

Quelque part, cela confirmait l’idée que je devais être «normal»…non, je vais dire plutôt ««normal»». Une «normalité» pas du tout éclairée : jusque très tard, j’ai ignoré presque tout de l’homosexualité. Et si j’étais sûr de ne pas être homosexuel, c’est que je pensais que cela concernait très, très peu de monde, sans d’ailleurs même comprendre tout ce que cela pouvait impliquer (des questions de perceptions de l’entourage, à l’acceptation sociale, ou plutôt ses différentes formes de non-acceptation).

Et non, cette différence par rapport aux autres, ça n’avait rien à voir non avec un côté «asocial» : j’ai longtemps traîné une image d’élève modèle, à qui l’on prête volontiers le fait de s’intéresser plus à ses cours et son travail qu’à ses camarades de classes. Mais j’ai fini par avoir un, puis plusieurs vrais ami(e)s. Quant à celles sur qui mon cœur avait jeté son dévolu, je n’ai jamais cherché autre chose que de l’amitié. Mais pourquoi donc ?

Asexuel ? Oui mais pas que…

Ce n’est qu’en mars 2011, six mois avant la fin de mes études, que j’aurais un vrai [début de] réponse. J’ai découvert, totalement par hasard, l’asexualité (vraiment par hasard, au départ, je faisais une recherche sur Top Gear pour les besoins de mon livre !). Et je compris que j’étais moi-même asexuel. Tout s’expliquait s’expliquait enfin…

Très concrètement, je n’éprouve aucun besoin d’avoir des relations sexuelles, ce n’est pas quelque chose qui me «manque». Je ne peux pas non plus éprouver de désir sexuel envers quiconque, quelque soit le degré d’attirance que je pourrais éprouver pour une personne (puisque cette attirance est tout sauf sexuelle). Et oui, désirs et besoins sont bien distincts, je l’ai personnellement mis en évidence lors d’un interrogatoire de coming out l’an dernier*

Donc je venais de comprendre pourquoi j’avais cette impression de décalage avec mes camarades de classe (ah ce modèle du camarade de classe hétéro, comme il est simplificateur mais comme il est commode pour éviter de me perdre en explications…). Je comprenais aussi pourquoi malgré tout je pouvais (entre autres) tomber amoureux : je suis également hétéroromantique ! Je préciserais ici : hétéroromantique dans le sens que je peux éprouver le désir d’une relation de couple avec une personne du sexe opposé (précision de puriste car il y a plusieurs façons de définir l’attirance romantique, et c’est celle qui me correspond le mieux).

La tentative des cases

Je suis donc asexuel, hétéroromantique…vraiment ? Certes, je peux tomber amoureux, mais je n’ai jamais été en couple, et je ne l’ai jamais vraiment vécu comme une frustration…grey-romantic peut-être ? Je suis hétérosensuel (enfin, je pense…jamais testé en conditions réelles), Je suis «sex-repulse», car «passer à la casserole» m’est totalement inenvisageable. Quant à la notion de fantasme (même non sexuel !), elle me fait «fantasmer» (je ne sais pas ce que c’est !)…

Les contre-exemple de la vie

Ah c’est beau et bien confortable, les cases. Seulement, ça ne marche pas toujours dans la vrai vie =) 
Maintenant que je peux mettre des mots sur ce que je suis, ce que je ressens réellement, je suis plus à l’aise dans mes relations avec les autres. Je peux m’assumer tel que je suis, et faire le choix de dire «je ne sais pas» aux gens à qui je ne veux pas donner de détails (avant c’est parce que je ne savais réellement pas !), comprendre mes attentes, et au passage, à nouveau envisager la possibilité d’être en couple (ce qui, vous l’aurez compris, est vachement compliqué pour un asexuel romantique sex-repulse qui s’ignore…)

Seulement, le monde ne se divise pas en ma famille/mes amis/mes amis/mes potentielles futures petites amies. C’est un chouia plus compliqué que cela. C’est pour cela que j’ai tenu à rédiger ce billet d’introduction (déjà trop long !) à un sujet bien plus intéressant car bien plus sérieux…Rendez-vous ici même la semaine prochaine.


*Ces interrogatoires sont quasi-inévitables pour les coming out de la frange la moins connue de la communauté LGBTQIA : dès qu’on sort des quatre premières lettres, le manque de visibilité est tel que l’on fait souvent découvrir à ses interlocuteur la minorité de sexe et de genre dont on fait partie…